3-718/1

3-718/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2003-2004

27 MAI 2004


Proposition de loi modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux en instaurant des mesures relatives aux chiens dangereux

(Déposée par M. Christian Brotcorne)


DÉVELOPPEMENTS


1. INTRODUCTION

Chaque année, en Belgique, des milliers de personnes sont victimes de morsures de chiens. Tel est le constat du symposium organisé en 2000, par le ministre fédéral de la Santé Publique. Pour l'heure, il est particulièrement difficile d'évaluer avec précision leur nombre : les données statistiques en cette matière sont lacunaires et leur récolte est d'autant plus difficile à réaliser que les victimes ne portent pas d'office plainte ­ généralement parce que ces accidents surviennent dans la sphère privée ­ ou ne se rendent pas d'office auprès d'une institution hospitalière ou auprès du médecin de famille qui systématisent ces données et le type de morsures constatées.

Toutefois, selon une enquête menée par le professeur Nolens de la KUL en 1999, ce sont environ 35 000 personnes qui seraient mordues chaque année. Quant aux organismes assurant les frais médicaux, ils considèrent que le coût des sinistres en responsabilité civile impliquant des chiens se chiffre à plus de 21 millions d'euros. Ce montant est défini en fonction de l'appréciation des coûts des frais médicaux pour les patients ambulatoires ou hospitalisés ainsi que des dédommagements payés pour incapacité de travail ou dans le cadre d'une assurance familiale (1).

Ces données sont corroborées par des études récemment menées en Suisse. En 1998, la fréquence des blessures causées par morsure de chien et soignées par des médecins de famille est estimée annuellement à 192 pour 100 000 habitants. Une étude menée à Berne, en 1984, a même révélé, sur base d'une enquête téléphonique, une projection de 1 098 morsures de chiens pour 100 000 habitants et par année, des morsures pouvant aller du simple pincement à la blessure grave (2).

Par ailleurs, trop régulièrement, la presse relate des accidents particulièrement dramatiques impliquant directement des chiens, mais aussi des situations où les chiens sont utilisés comme arme de combat. Ces accidents répétés ont incité différents pays d'Europe à mettre en place ou à durcir leur législation relative aux chiens dits dangereux.

En Belgique, faute d'une législation fédérale en la matière, ce sont les communes qui, en vertu de la nouvelle loi communale de 1992, tentent de prévenir ces accidents : elles le font par l'adoption de règlements allant de l'obligation du port de la laisse et de la muselière dans des lieux publics pour les chiens avérés dangereux jusqu'à l'interdiction pour les citoyens d'une commune, d'acquérir certains types de chien. Cette diversité de règlements plaide d'elle-même pour l'établissement d'une législation fédérale.

2. ÉTUDES RELATIVES À LA DANGEROSITÉ DES CHIENS

a) Études menées en Belgique

L'étude la plus récente a été menée, en 2002, par le professeur Kahn (3). Son enquête se base sur l'analyse de 100 cas d'enfants mordus qui se sont présentés aux urgences des hôpitaux dans la partie francophone du pays. Ce champ d'analyse est particulièrement intéressant dans la mesure où les études révèlent généralement que les enfants et les adolescents sont les victimes les plus régulières d'accidents impliquant des chiens. Les études suisses mentionnées en introduction estiment qu'il s'agit de 60 % des cas. Même si le nombre de cas étudiés par le Professeur Kahn est relativement peu important, cette première étude permet la mise en valeur d'observations essentielles, à prendre en considération dans l'établissement de toute législation :

­ Concernant le lieu de la morsure : 65 % des morsures sont intervenues dans la sphère privée, et plus précisément au domicile même de l'enfant; seuls 35 % des morsures sont constatées dans la sphère publique;

­ Concernant le degré de familiarité avec le chien : lorsque les morsures surviennent à domicile, dans 93,8 % des cas, l'enfant connaît le chien. Lorsque l'accident se déroule sur la voie publique, dans 71,4 % des cas, l'enfant ne connaît pas le chien;

­ Concernant le comportement de la victime : généralement, les morsures constatées à domicile semblent avoir été favorisées par le comportement de l'enfant;

­ Concernant la race de chien : les auteurs des morsures sont, pour 28 %, des bergers, pour 11 % des Rottweillers, pour 9 % des labradors, et pour 6 % des fox.

­ Concernant la gravité de la morsure : sur les 100 cas d'enfants analysés, 18 ont dû, malgré un traitement initial nécessitant prise d'antibiotique, vaccination, pose de point de suture, être hospitalisé; près d'un enfant sur cinq doit être hospitalisé, et dans 22 % des cas, pour des coups portés au visage. En tout état de cause, pour 86 % des enfants, il faut un suivi médical et dans une plus maigre mesure, un suivi psychologique.

b) Études menées en Europe

Les observations faites par le professeur Kahn corroborent celles établies par des études menées dans différents pays de l'Union européenne (4).

­ Concernant la race des chiens impliqués : les listes de races de chiens impliquées dans les accidents sont pour le moins hétérogènes. Elles mentionnent indifféremment au hit-parade des morsures le berger allemand (5), le rottweiler, le doberman, ou les chiens de compagnie comme les cockers, les jack russel, les labradors et les bâtards.

­ Concernant le lieu de l'accident : la très grande majorité des accidents survient à la maison avec un chien connu de la victime : il s'agit généralement de 60 % des cas. Seule une petite proportion d'accidents a lieu sur la voie publique.

­ Concernant le comportement de la victime : Dans un très grand nombre de cas, les chiens ont été sciemment ou non provoqués par leur victime (6). Différentes études ont plus sérieusement encore mis en avant un trop grand nombre de maîtres incapables de diriger correctement leur chien ou de lui imprimer un comportement précis (7). Leurs attitudes ont en tout état de cause une influence significative sur le type et sur la gravité de l'accident.

c) Prendre en compte les conclusions des études éthologiques

Les conclusions de ces études plaident inévitablement pour une approche « personnaliste » du comportement canin, ce qui exclut, de notre point de vue, une approche législative et réglementaire qui condamnerait d'office une liste spécifique de races canines ou de types canins.

Cette option est également celle de la Fédération vétérinaire européenne qui réitère régulièrement ses critiques à l'encontre de la gestion inappropriée et inefficace de la problématique des chiens dangereux. Elle rappelle qu'il s'agit avant tout d'un problème individuel d'éducation et de comportement des chiens et des maîtres et que l'agressivité n'est pas l'apanage d'un race ou d'un type de chien. À cet égard, elle conseille d'opérer une distinction entre les différents individus d'une même race ou d'un même type.

Or, malgré ces avis scientifiques, les principales initiatives législatives ont été dans un sens inverse. Dès 1991, la Grande-Bretagne, par l'adoption du Dangerous dog act, développe une législation particulièrement répressive visant à éteindre systématiquement certaines races par une politique de stérilisation. Dix ans plus tard, l'efficacité du texte est loin d'être prouvée : les chiens dits prohibés se sont multipliés dans les élevages clandestins et de nombreux contentieux judicaires ont été provoqués (8). Les Pays-Bas poursuivent dans cette même optique en optant en 1993 pour une législation qui interdit l'élevage et la détention de chiens de types Pittbull. Quant à l'Allemagne, c'est en 2000, que ce même type de chien est légalement interdit de possession et de reproduction. De même, la récente loi française de 1999 essuie de nombreuses critiques quant à son exécution et sa faisabilité. Cette législation oblige, au même titre que les précédentes, l'interdiction d'acquisition ainsi que la stérilisation systématique des chiens d'attaque, assimilés au type molosse.

3. CONSTAT POLITIQUE

En 1998, le ministre fédéral de l'Agriculture, Karel Pinxten, avait rédigé un arrêté ministériel qui énumérait 13 races de chiens considérées comme dangereuses et contre lesquelles des mesures particulières d'enregistrement devaient être prises (9). Les propriétaires desdits chiens devaient les faire identifier et enregistrer à l'âge de huit semaines au plus tard par l'implantation d'une microchip. Par ailleurs si un chien, non mentionné par la liste de l'arrêté ministériel, montrait une agressivité susceptible de présenter un danger pour les personnes, le bourgmestre pouvait enjoindre son propriétaire de faire identifier et enregistrer le chien avec la mention « d'attaque ».

Cet arrêté a été annulé par le Conseil d'État pour des raisons procédurales. Depuis lors, c'est le vide juridique au niveau fédéral : aucune autre mesure n'a été prise en remplacement de l'arrêté annulé. Seules des initiatives réglementaires ont été prises au niveau communal mais les mesures sont relativement disparates d'une commune à l'autre. Cette situation n'est pas sans poser question au regard de la sécurité juridique et de la cohérence réglementaire que le citoyen est en droit d'exiger. Étant donné ce contexte, une intervention législative fédérale s'avère nécessaire.

4. PROPOSITION

L'objectif de notre proposition est de réaliser un équilibre entre le souci d'assurer à chacun une sécurité légitime et de permettre dans un même temps à tout un chacun de posséder un chien de son choix. Entre le choix politique arbitraire qui est celui de condamner certaines races et celui du laisser faire communal, il convient de trouver une voie médiane, par l'établissement d'une législation qui encadre et prévienne les comportements canins susceptibles d'être dangereux pour la sécurité des personnes.

Pour ce faire, nous estimons essentiel de :

­ distinguer des niveaux de dangerosité du chien, selon qu'il s'agit du constat d'une première ou d'une seconde morsure. Cette distinction n'est nullement de caractère physiologique, mais est basée sur le constat comportemental de l'animal;

­ constituer une banque de données exhaustives rendant compte de la traçabilité de l'animal. Cette banque de données est pour chaque chien un véritable passeport canin, dépassant, comme c'est le cas aujourd'hui, le renseignement des données purement identificatives, en intégrant l'enregistrement des données sanitaires et des données comportementales. Par données comportementales, il faut comprendre la mention dans ce registre central soit de l'absence soit de la présence du caractère potentiellement dangereux ou dangereux du chien. Toutes ces données sont intégrées dans le microchip déjà défini réglementairement;

­ de renforcer le rôle de l'autorité communale, entité politique de proximité par excellence, dans la procédure de constat de chien mordant et ce, grâce à l'expertise d'un docteur en médecine vétérinaire désigné, et dans l'application de sanctions administratives correspondantes;

­ d'établir une double procédure selon que le chien montre pour la première fois un comportement à risque ou récidive. Dans la première hypothèse, le bourgmestre est compétent pour arrêter des mesures censées assurer la protection de la population et éviter la réitération du comportement à risque. Si malgré ces mesures, le chien récidive, c'est alors le tribunal de police qui sera amené à décider du sort du chien. Dans les deux cas, les décisions ne seront prises qu'après la consultation d'un vétérinaire afin d'objectiver le comportement canin;

­ de prévoir une disposition relative à la responsabilité pénale des maîtres de chiens négligents. Sur base de l'idée qu'un chien devient ce qu'on en fait, il est nécessaire de placer les propriétaires de chiens devant leurs responsabilités.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

En 2000, s'est tenu un symposium relatif à la problématique de l'agressivité canine. Une des conclusions était qu'il fallait permettre un rassemblement et une bonne circulation de l'information relative au comportement canin.

Le présent article profite de l'existence réglementaire d'un registre central répertoriant les données strictement identificatives du chien, pour donner au contenu de cet arrêté ministériel, une assise légale plus précise et étendre son champ d'application aux devoirs d'information de données sanitaires et comportementales. Ces données récoltées par l'ABIEC constitueront une véritable carte d'identité exhaustive du chien.

Mention sera faite de la caractérisation du comportement de l'animal dans la banque de données enregistrant les données relatives à chaque chien, sur base d'une procédure spécifique développée dans le cadre de cette proposition.

Article 3

Article 9bis proposé

La distinction entre chiens potentiellement dangereux et chiens dangereux, ainsi que leurs définitions s'inspirent en partie de la « California dangerous dog law », souvent citée par les spécialistes de l'agressivité canine comme un exemple.

La distinction entre chien potentiellement dangereux et dangereux est motivée par le fait qu'il n'est pas scientifiquement et éthologiquement prouvé que l'agressivité d'un chien puisse être déterminée à partir d'éléments strictement physiologiques. La présente proposition de loi ne se limite donc pas à un certain type ou à certaines races de chiens. Elle les concerne tous sans exception.

Ces définitions distinguent différents degrés dans la dangerosité. L'on parlera de chien potentiellement dangereux pour une première morsure sévère et de chien dangereux en cas de récidive dans un laps de temps bien défini. La période de 36 mois est celle définie par la California dangerous dog law.

Le professeur Kahn distingue différents types de morsures : graduellement, il y a le pincement, l'hématome, la blessure à travers la peau et la déchirure à travers la peau. Même si le pincement note déjà le caractère plus agressif de l'animal, nous estimons plus opportun de considérer la blessure sévère depuis le constat d'hématome jusqu'à la déchirure musculaire et la lacération.

La proposition de loi exclut de son champ d'application les chiens qui sont dressés au mordant dans un objectif de sécurité publique et d'aide aux personnes, notamment des personnes aveugles ou se déplaçant en chaise roulante.

Article 9ter proposé

Cet article définit la qualité des personnes obligées d'alimenter la banque de données, en ce qui concerne le constat d'une morsure provoquée par les chiens. L'objectif de cette disposition est d'assurer une collecte d'information la plus exhaustive possible.

Article 9quater proposé

Cet article prévoit une information immédiate aux bourgmestres de la présence sur leur commune d'un chien potentiellement dangereux; le lieu de résidence du propriétaire ou du détenteur du chien détermine la commune concernée.

Les bourgmestres sont alors tenus de désigner sans délai un expert qui établira un rapport et des recommandations. Dans la mesure du possible, la commune désignera un docteur en médecine vétérinaire, reconnu expert comportementaliste par l'ordre des vétérinaires, soit parce qu'il aura suivi une formation reconnue, soit parce qu'il aura, du point de vue de l'Ordre, une expérience suffisante justifiant ce titre. L'objectif est que les autorités communales, renseignées d'un accident impliquant un chien, disposent le plus rapidement possible d'un avis éclairé, de manière à prendre la décision administrative la plus adéquate et la plus efficace.

La manière dont doit s'exécuter la mise sous surveillance du chien s'inspire de la législation française. L'arrêté du 21 avril 1997 relatif à la mise sous surveillance des animaux mordeurs ou griffeurs, visée à l'article 232-1 du Code rural précise en effet que la période de surveillance est de 15 jours et que l'animal doit être présenté trois fois par son propriétaire ou son détenteur au même vétérinaire sanitaire. Par ailleurs, la première visite doit être effectuée avant l'expiration d'un délai de 24 heures suivant le moment où l'animal est mordu et la deuxième au plus tard le septième jour après la morsure.

Au cours de dressage, il est préféré la notion d'éducation canine. Ce terme couvre un champ d'application plus large, dépassant la notion trop restrictive du dressage au mordant. Ce cours doit idéalement être suivi par ceux qui forment l'entourage quotidien de l'animal. L'expert vétérinaire proposera néanmoins dans son rapport qui, au sein de la famille concernée, doit en tout état de cause suivre ces cours.

L'interdiction d'accéder à certains lieux publics doit être compensée par la présence au sein des communes, de lieux où il est possible à l'animal de courir librement. Sans quoi, cet ordre d'interdiction, même momentanée, pourrait renforcer le déséquilibre comportemental du chien qui, quotidiennement, éprouve un réel besoin de courir librement.

Article 9quinquies proposé

Cet article vise le cas du chien « récidiviste » pendant une période de 36 mois. Dans ce cas, la procédure judicaire remplace la procédure administrative imposée après un seul cas de morsure. Sur base d'un débat contradictoire, le juge est amené à poser des mesures plus contraignantes envers le chien concerné, son propriétaire ­ détenteur ou les deux, afin d'éviter la réitération du comportement reconnu dangereux de l'animal et d'assurer la sécurité de la population.

Article 9sexies proposé

Il importe de sanctionner plus lourdement les personnes qui, par leur comportement, ont démontré qu'elles considèrent le chien comme une arme et non comme un animal de compagnie.

Article 9septies proposé

Cette disposition a pour objectif de permettre à l'autorité communale de prendre des dispositions spécifiques à la réalité communale. C'est ainsi par exemple que cette proposition de loi n'exclut pas la possibilité pour les communes de prendre des règlements relatifs au port de la laisse ou de la muselière dans certains lieux accessibles au public. Mais en aucun cas, la commune ne peut arrêter des mesures qui ne s'appliqueraient qu'à certaines races ou types de chiens.

Article 4

L'alinéa premier a pour objectif de responsabiliser les propriétaires ou détenteurs de chien. En effet, différentes études statistiques montrent qu'un certain nombre d'accidents auraient probablement pu être évités si le maître avait adopté un bon comportement par rapport à son chien ou s'il avait pris des mesures adéquates concernant sa garde.

Par ailleurs, la loi du 14 août 1986 relative au bien-être des animaux sanctionne déjà l'organisation et la participation à des combats de chiens : cette infraction est sanctionnée d'une peine de prison de 1 à 3 mois et de maximum 1 000 euros d'amende. Étant donné que, selon nous, il est plus grave de dresser un chien à tuer un humain que de le dresser à un combat de chiens, la peine devrait être au moins de minimum 5 ans de prison et/ou de minimum 2 500 euros d'amende.

Christian BROTCORNE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Un article 7bis, rédigé comme suit, est inséré dans la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux :

« Art. 7bis ­ Une banque de données relative à l'identification et à l'enregistrement des chiens est instituée. Le ministre de la Santé publique peut déléguer la gestion de cette banque de données à une personne morale qu'il agréera à cet effet.

Le Roi fixe, par arrêté royal, les modalités de création, de tenue à jour, d'exploitation et de financement de cette banque de données. Il réserve l'accès aux données aux personnes ou instances désignées par Lui.

Par identification canine, il faut entendre les données identitaires, sanitaires et comportementales.

Art. 3

Il est inséré un chapitre IIbis dans la même loi, comprenant les articles 9bis à 9septies, rédigé comme suit :

« Chapitre IIbis. ­ De la détention de chiens dangereux

« Art. 9bis. ­ Un chien potentiellement dangereux est tout chien qui mord une personne et lui cause une blessure sévère. Par blessure sévère, il faut entendre une blessure physique qui entraîne un hématome, une blessure ou une déchirure ou qui nécessite un acte médical.

Un chien dangereux est tout chien potentiellement dangereux qui réitère deux fois ou plus le comportement cité à l'alinéa 1er au cours d'une période de 36 mois.

Le présent chapitre ne s'applique ni aux chiens policiers, aux chiens de douane, aux chiens de l'armée, ni aux chiens utilisés par les services de secours, ni aux chiens d'assistance.

Art. 9ter. ­ Tout policier qui fait le constat d'un comportement, tel que défini à l'article 9bis, est tenu de communiquer sans délai l'information au gestionnaire de la banque de données instituée à l'article 7bis.

Toute juridiction saisie d'une action en responsabilité basée sur une morsure occasionnée par un chien est tenue de communiquer sans délai l'information au gestionnaire de la banque de données, instituée à l'article 7bis.

Toute entreprise d'assurance qui est saisie d'une demande d'indemnisation en raison d'une morsure de chien est tenue de communiquer sans délai l'information au gestionnaire de la banque de données, instituée à l'article 7bis.

Le gestionnaire de la Banque de données inscrit l'information dans les données comportementales du chien concerné.

Art. 9quater. ­ Le gestionnaire de la banque de données est tenu de transmettre immédiatement au bourgmestre la totalité des données concernant le chien pour lequel il a été constaté un comportement potentiellement dangereux.

Le bourgmestre désigne, en vertu de l'article 143 de la nouvelle loi communale et à charge du propriétaire ou du détenteur du chien concerné, un expert vétérinaire. L'expert est chargé de la surveillance du chien concerné durant une période définie par le ministre. Cette surveillance comporte, au moins, l'obligation pour le propriétaire ou le détenteur du chien de soumettre le chien à au moins trois visites de l'expert vétérinaire.

Au terme du délai de surveillance et sur base du rapport et des recommandations rédigés par l'expert vétérinaire, le bourgmestre impose, par arrêté de police à charge du propriétaire ou du détenteur du chien concerné, des mesures de nature à prévenir tout danger pour l'intégrité et la sécurité des personnes et des biens. Il peut s'agir :

­ de l'obligation, pour la ou les personnes désignées dans le rapport de l'expert, de prendre part à des cours d'éducation canine;

­ du port obligatoire de la laisse, de la muselière, ou des deux à la fois, sur la voie publique et dans les lieux accessibles au public;

­ de l'interdiction de fréquentation de certains lieux accessibles au public, à condition que l'autorité communale détermine des espaces où le chien concerné peut courir librement;

­ de la stérilisation ou la castration du chien.

L'arrêté de police est communiqué sans délai au gestionnaire de la Banque de données institué à l'article 7bis de la présente loi.

Le propriétaire ou le détenteur qui ne se conforme pas à l'arrêté de police est puni d'une amende de 100 euros à 500 euros.

Art. 9quinquies. ­ Le gestionnaire de la banque de données est tenu de transmettre immédiatement au procureur du Roi la totalité des données concernant les chiens pour lesquels il a été constaté, en vertu de l'article 9bis, alinéa 2, de la présente loi, un comportement dangereux.

Lorsque le procureur du roi est avisé d'un comportement tel que visé à l'article 9bis alinéa 2, il doit, sur base d'un rapport d'un expert judicaire désigné à cet effet, mettre le dossier à l'instruction.

Après audition d'un expert vétérinaire, de toute personne qu'il juge utile d'entendre et du propriétaire ou détenteur du chien, le procureur cite ce dernier devant le tribunal de police compétent.

Le tribunal de police peut décider des mesures suivantes :

­ la stérilisation ou la castration du chien;

­ l'euthanasie du chien;

­ la condamnation du propriétaire ou du détenteur du chien à la peine prévue par l'article 36ter de la présente loi.

Art. 9sexies. ­ Toute personne, condamnée sur base de l'article 36ter, alinéa 2, ne sera plus autorisée à posséder un chien ou à travailler au contact de chiens.

Art. 9septies. ­ Sans préjudice des dispositions de ce présent chapitre et des dispositions relatives aux chiens d'assistance, les communes peuvent prendre des mesures complémentaires pour autant qu'elles ne soient pas propres à certaines races de chiens. »

Art. 4

Un article 36ter, rédigé comme suit, est inséré dans la même loi :

« Art. 36ter. ­ Sans préjudice de l'application de peines plus sévères portées par le Code Pénal, est puni d'une amende de 100 euros à 500 euros le propriétaire ou le détenteur du chien qui, par son attitude irresponsable, a facilité ou contribué au comportement visé à l'article 9bis de la présente loi.

Sans préjudice de l'application de peines plus sévères prévues par le Code pénal, est puni d'un emprisonnement de 5 ans à dix ans et d'une amende de 2 500 euros à 5 000 euros ou de l'une de ces peines seulement toute personne qui a dressé des chiens à l'attaque d'êtres humains. »

3 mars 2004.

Christian BROTCORNE.

(1) Xavier Serwy, la responsabilité des « chiens dangereux » et l'incidence économique de leurs sinistres, Symposium organisé sur la problématique des chiens dangereux, en 2000, à l'initiative du ministre fédéral de la Santé publique.

(2) Chiens dangereux. Des mesures ciblées et efficaces. Une prise de position avec propositions du Groupe de travail Chiens dangereux, Suisse, 2001.

(3) Kahn A., Child victims of dog bites treated in emergency departements :a prospective survey, dans Eur. J. Pediatr., 2003, 162, pp. 254-258. À noter que le même professeur a analysé les effets psychologiques des morsures sur les enfants, où il décrite que plus de la moitié des enfants mordus développent des séquelles psychologiques décrites comme les effets d'un stress post-traumatique. Cet article sera prochainement publié dans la revue américaine Journal of Pediatrics, et sera intitulée : « Peters V, Sottiaux M. Appelboom J, Kahn A. Post-traumatic stress disorder following dog bites in children. Journal of Pediatrics 2004;144 ». Enfin, un troisième travail vient d'être soumis pour publication à une revue européenne, dans le but de décrire la prévalence des morsures de chien chez l'enfant. Par une enquête téléphonique conduite sur plus de 10 000 familles, il ressort que 22 enfants sur 1 000 sont mordus par un chien chaque année en Belgique francophone.

(4) Les observations faites dans le présent chapitre sont tirées des conclusions de différentes études comme celles de J. Unshelm, the problem of the danger of dogs : a study of incidents with dogs in a large city, 1993; G. Rettinger, Facial injuries caused by dog bite, 1995; B. Klaassen, Does the dangerous dogs act protect against animal attacks : a prospective study of mammalian bites in the accident and emergency department, 1996, ...

(5) Dans une étude menée à La Corogne en Espagne, sur une période de 10 ans, 38 % des morsures étaient dues aux bergers allemands, 35 % étaient dues à des croisements de races de bergers et les 27 % restant étaient répartis entre chiens de compagnies et chiens « dangereux ».

(6) En 1994, une étude menée à Atlanta montrait que 46 % des chiens ont été provoqués avant de mordre.

(7) Selon une étude menée à Munich, sur une période de 5 ans, il a été conclu que plus de 50 % étaient incompétents pour mener et diriger un chien.

(8) Intervention de Dominique Braye, sénateur français et rapporteur du projet de loi de 1999, dans le cadre d'une journée d'étude organisé sur les chiens dangereux en France, en 2001.

(9) Arrêté ministériel du 21 octobre 1998 relatif à des mesures spéciales d'identification et d'enregistrement de certaines catégories de chiens, Moniteur belge, 29 octobre 1998.