1-1297/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1998-1999

4 MARS 1999


Proposition de loi relative aux conditions de détention des spécimens d'oiseaux de faune européenne nés et élevés en captivité

(Déposée par M. Happart)


DÉVELOPPEMENTS


Jusqu'à présent, les exécutifs régionaux s'étaient octroyé la compétence en matière de détention des spécimens d'oiseaux de faune européenne nés et élevés en captivité.

Ils estimaient probablement que la protection des oiseaux vivant naturellement à l'état sauvage sur le territoire de la Communauté européenne incluait la protection et la définition des spécimens d'oiseaux d'espèce de faune européenne nés et élevés en captivité.

Pourtant, en son article 6, § 1er , III, la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 a notamment et explicitement attribué aux régions la protection et la conservation de la nature, la chasse et la tenderie.

Tenant compte de cet article 6, § 1er , III, de la loi spéciale de réformes institutionnelles, le 2 avril 1998, le Conseil d'État a annulé l'article 3, § 1er , 4º, de l'arrêté du gouvernement wallon du 14 juillet 1994 sur la protection des oiseaux en Région wallonne, estimant que l'exécutif régional wallon empiétait sur les compétences de l'État fédéral.

Auparavant, par son arrêt du 8 février 1996, dans l'affaire C-149/94, la troisième chambre de la Cour de Justice des Communautés européennes avait estimé que la directive 79/409/CEE, dont s'inspirent les régions, ne s'applique pas aux spécimens d'oiseaux nés et élevés en captivité.

La Cour de Justice des Communautés européennes a, dès lors, considéré ces spécimens d'oiseaux nés et élevés en captivité comme des spécimens domestiques d'espèces sauvages indigènes, qui ne doivent pas être reprises dans les annexes de la directive 79/409/CEE.

Au même titre, en ce qui concerne notre canari domestique, dont l'ancêtre vit toujours naturellement à l'état sauvage sur le territoire de la Communauté européenne, le grand naturaliste Linné avait réuni en une seule espèce le serin des canaris sauvage (Serinus canarius canarius) et le serin domestique : notre canari (Serinus canarius domesticus).

On peut donc logiquement estimer que les spécimens d'espèces d'oiseaux indigènes nés et élevés en captivité sont une sous-espèce domestique de l'espèce sauvage.

Suite à une étude scientifique réalisée en 1993 et 1994, le Dr vétérinaire Brochier, de la faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Liège a estimé que l'élevage de ces oiseaux est actuellement difficile et améliorable.

Sa faisabilité à grande échelle par un nombre suffisant d'amateurs nécessite un délai raisonnable de plusieurs années au cours desquelles l'approvisionnement dans la nature reste indispensable.

La libre détention de ces oiseaux nés et élevés en captivité facilitera cette faisabilité à grande échelle, permettra plus facilement d'éviter les inconvénients de la consanguinité et de stopper les prélèvements d'oiseaux dans la nature.

Le seul fait pour les amateurs de pouvoir se procurer facilement ces oiseaux les incitera à intensifier l'élevage et à condamner le braconnage.

Il convient donc de ne pas limiter cette loi à certaines espèces d'oiseaux, mais de considèrer tous les spécimens d'espèces d'oiseaux nés et élevés en captivité sur un pied d'égalité.

En juillet 1997, les Pays-Bas ont autorisé librement la détention de ces oiseaux sans autre condition que d'apporter la preuve qu'ils sont bien nés et élevés en captivité.

Le 18 décembre 1998, bien que cette matière ne soit pas de sa compétence aux termes de ce qui précède, le gouvernement flamand a légiféré dans le domaine de la détention de ces oiseaux.

L'arrêté du gouvernement flamand du 18 décembre 1998 modifiant l'arrêté royal du 9 septembre 1981 relatif à la protection des oiseaux en Région flamande, libéralise, sous certaines conditions, la détention d'oiseaux nés et élevés en captivité et énumérés en son annexe I.

Les règles européennes en matière d'échanges commerciaux condamment ce genre de pratiques où un « produit » est proposé à la vente d'une manière restrictive à l'intérieur d'un État membre de l'Union.

Il est donc indispensable, eu égard à ce qui précéde, que cette matière soit de la compétence exclusive de l'État fédéral.

Les contrôles des installations d'élevage utilisant des spécimens d'oiseaux capturés dans la nature comme géniteurs restent quant à eux, de la compétence des régions.

COMMENTAIRES DES ARTICLES

Article 2

Il était nécessaire d'inclure ces deux définitions ; les autres termes utilisés étant déjà définis dans d'autres lois, décrets ou arrêtés.

Articles 3 et 4

Il n'est pas question de sortir des comptétences de l'État fédéral et de considérer les spécimens d'espèces d'oiseaux capturés dans la nature, même s'ils servent de géniteurs, ainsi que les espèces, sous-espèces, races ou variétés de ces espèces qui seraient déjà reprises par d'autres réglementations fédérales ou Conventions internationales.

Article 5

Les conditions de commercialisation des oiseaux, ainsi que les conditions d'agrément des établissements les commercialisant ont déjà été fixées par arrêté royal.

Malgré tout, il était nécessaire de s'assurer que la libéralisation de la détention de ces spécimens d'oiseaux nés et élevés en captivité n'entraînerait pas un trafic de spécimens d'oiseaux prélevés dans la nature et n'empêcherait pas les agents des autorités régionales de contrôler efficacement le respect de la protection des oiseaux sauvages.

Article 6

Il est impossible de confondre mutants et hybrides avec des oiseaux qui auraient été prélevés dans la nature.

Article 7

Il est indispensable que les autorités puissent contrôler le baguage des oiseaux. À cet effet, il fallait prévoir de faciliter ce contrôle, notamment par l'accès aux volières et la capture des oiseaux.

Article 8

Il est impossible de déterminer si les oeufs sont prélevés dans la nature ou chez un éleveur.

Jean-Marie HAPPART.

PROPOSITION DE LOI


Article premier

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Pour l'application de la présente loi on entend par :

1º hybride : l'oiseau issu d'un croisement entre deux espèces d'oiseaux européens;

2º mutant : l'oiseau né en captivité dont la couleur naturelle diffère de celle des spécimens de la même espèce ou sous-espèce vivant à l'état sauvage sur le territoire de la Communuaté européenne.

Art. 3

§ 1er . La présente loi s'applique à tous les spécimens d'oiseaux appartenant à une des espèces, sous-espèces, races ou variétés de ces espèces d'oiseaux de faune européenne nés et élevés en captivité, ainsi qu'aux mutants et hybrides de ces oiseaux.

§ 2. La présente loi ne s'applique pas :

1º aux animaux de basse-cour considérés comme animaux domestiques agricoles, c'est-à-dire détenus habituellement comme animaux de rente ou de rapport pour la production de viande, d'oeufs, de plumes ou de peaux;

2º aux races de pigeons domestiques;

3º aux espèces d'oiseaux classées comme gibier par l'article 1er bis de la loi du 28 février 1882 sur la chasse.

Art. 4

Par dérogation à l'article 3, § 1er , la présente loi ne s'applique pas aux espèces d'oiseaux reprises en annexes de la Convention du 3 mars 1973 sur le commerce des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES).

Art. 5

Sans préjudice de l'arrêté royal du 17 février 1997 portant les conditions d'agrément des élevages de chiens, élevages de chats, refuges pour animaux, pensions pour animaux et établissements commerciaux pour animaux, et les conditions concernant la commercialisation des animaux, la détention, le commerce, l'importation, l'exportation et le transit de ces oiseaux sont autorisés à condition :

1º qu'ils soient pourvus d'une bague fermée individuelle;

2º que ces bagues soient formées d'un anneau cylindrique d'une seule pièce et complètement fermé;

3º que ces bagues fermées soient glissées au tarse de l'oiseau et il doit être impossible de les retirer à un stade ultérieur de leur croissance sans dommage ou altération.

Elles sont conçues de telle façon que le diamètre intérieur ne puisse être modifié ni par voie chimique, ni par voie physique.

Art. 6

Les dispositions de l'article 4 en ce qui concerne les mutants et hybrides de ces oiseaux ne sont plus d'application.

Art. 7

Les détenteurs d'oiseaux sont tenus d'admettre le contrôle de l'autorité telle que visée à l'article 34 de la loi du 14 août 1986 modifiée le 26 mars 1993 et le 4 mai 1995, relative à la protection et au bien-être des animaux et de prendre toutes les mesures pour faciliter ce contrôle.

Cela peut impliquer la capture des oiseaux en volière au profit du contrôle.

Art. 8

Le transport des oeufs complets ou vidés, les coquilles ou parties de coquilles d'oeufs de ces oiseaux est interdit.

Jean-Marie HAPPART.